mercredi 25 novembre 2009

Comment j’ai appris à aimer le capital et à en faire la servile apologie, par Christophe Barbier


Quand le capital a besoin de justifier sa domination ou l’accroissement de son emprise, il trouve sans peine de valeureux serviteurs médiatiques prompts à vanter ses mérites et à faire taire les critiques. 
 
Dans la lutte qui oppose les travailleurs à la poignée de capitalistes qui sont les véritables maîtres de l’économie, les éditorialistes vedettes – souvent cumulards – et autres directeurs de rédaction des médias dominants ont une fonction bien particulière et essentielle : convaincre les salariés qu’ils ne sauraient se passer des capitalistes (y compris dans le secteur des médias) et exorciser le spectre d’une autre société possible. Mais il est des « journalistes » qui s’acquittent de cette tâche avec un empressement tel qu’il doit retenir notre attention, tant il signale une perte de légitimité du système, contraignant ses agents les plus serviles à recourir aux arguments les plus fallacieux.
Christophe Barbier est de ceux-là, lui qui ces dernières mois – sur LCI et surtout dans L’Express qu’il dirige – a poussé jusqu’à ses plus hauts sommets de veulerie l’art vénérable du cirage de pompes. En faisant feu de tout bois dans la défense, non seulement des patrons de France Télécom, mais aussi du travail le dimanche et de l’enseignement privé, il a déposé les pistolets en plastique du journalisme de cour au pied d’un trône qui le gratifie déjà d’une présence à la table des vainqueurs. Barbier n’est-il pas l’ami personnel et le confident de la duchesse Bruni, elle-même épouse d’un président sensible aux frustes procédés de la flagornerie ?
Quelques échantillons suffisent pour témoigner du mépris et de la bêtise dont fait preuve, chaque semaine, l’infatigable laquais du capital :
-          « Les Français n’ont pas envie de travailler le dimanche, mais les Français n’ont pas envie de travailler tout court. Il y a un problème culturel de rapport au travail dans ce pays. […] Et vous savez ils ont encore moins envie de travailler le lundi, on le voit bien à leur tête quand ils arrivent. […] Croyez-vous que, pour les jeunes filles de banlieue, il soit plus épanouissant d’être cloîtrées dans leurs cités HLM plutôt que d’être au travail le dimanche ? » (07/07).

-    [Sur les suicides à France Télécom] « Mais c’est la faute de l’Etat. L’Etat, socialement, a trop protégé ses troupes : pas de mutations au mérite, tranquille avancement à l’ancienneté, la sécurité de l’emploi, la culture de la fonction publique à la française. Et comme l’Etat, sur le plan économique, a été mauvais, il est obligé de mettre dans le privé toute une série d’activités jadis publiques, et il amène dans le privé des gens qui ne sont absolument pas préparés à la vie un peu plus rude dans le privé » (15/09).
-   « Si l'on faisait basculer entièrement notre système éducatif vers du privé sous contrat, pour additionner le dynamisme du privé, la motivation des profs, l'exigence de résultats et une certaine forme de discipline, et puis bien sûr les exigences anciennes du public, c'est-à-dire de l'enseignement républicain, des valeurs communes à tous, allons-y ! Tentons le 100 % privé, mais sous contrat républicain ! » (29/09).
Lui qui a vécu sa scolarité universitaire sous les lambris dorés de l’Ecole normale supérieure, lui qui vient d’être nommé membre du directoire du groupe L’Express Roularta, sans doute a-t-il beaucoup à dire sur la rudesse du monde du travail. Car la vie ne l’a pas préservé des difficultés matérielles et des humiliations quotidiennes. Enfant, ses camarades tiraient sur son écharpe déjà rouge jusqu’à étouffer dans un râlement ses tirades infectes. Aujourd’hui garde-chiourme en chef à L’Express, ce n’est pas le crack qui – contrairement à la rumeur – le livre à cette frénésie de sottises dont il nous assomme une fois par jour, mais la joie de célébrer des licenciements renflouant les coffres de ses amis patrons et la jubilation de faire suer des profits aux salariés de l’hebdomadaire.
Ce n’est pourtant pas la personne de Christophe Barbier qui importe, tant le zèle ridicule qu’il met à prendre la défense du capital privé n’a d’égal que la médiocrité des arguments avancés, mais ce qu’il représente : la soumission inconditionnelle des médias aux pouvoirs économique et politique, et surtout la nécessité d’une transformation radicale d’un système médiatique structurellement inféodé à l’ordre capitaliste. 

jeudi 8 octobre 2009

Venezuela, Honduras, Pérou, Equateur : « petits » oublis et « grands » mensonges des médias



Article d'Eric Toussaint, paru le 5 octobre sur le site du CADTM (Comité pour l'Annulation de la Dette du Tiers Monde).


Il convient de prendre la mesure du danger que constitue l’attitude systématiquement hostile adoptée par l’écrasante majorité des grands médias européens et nord-américains (ainsi que par l’organisation Reporters sans frontières) à l’égard des expériences en cours en Equateur, en Bolivie et au Venezuela. Cette hostilité n’a d’égale que le silence embarrassé et complice à l’égard des putschistes honduriens ou de la répression exercée par l’armée péruvienne contre les Indiens d’Amazonie.

Pour illustrer cette affirmation, quelques faits récents.

1) Le 5 juin 2009, l’armée péruvienne a massacré à Bagua plus de 50 Indiens d’Amazonie qui protestaient contre les concessions de terres accordées par le gouvernement d’Alan Garcia aux transnationales étrangères, principalement européennes. Cela n’a pas provoqué la réprobation des grands groupes de presse mondiaux |1|. Ceux-ci donnaient alors la priorité quasi exclusive aux protestations en cours en Iran. Non seulement la presse n’a pas réprouvé la répression au Pérou, mais à peine y a-t-elle fait écho. Or, le mécontentement était tel au Pérou que le gouvernement a dû annoncer l’abrogation du décret présidentiel contre lequel les Indiens d’Amazonie étaient entrés en lutte. Encore une fois, la couverture par les médias de ce recul du gouvernement a été quasiment nulle. Posons-nous la question suivante : si une intervention de l’armée vénézuélienne ou équatorienne avait provoqué la mort de dizaines d’Indiens d’Amazonie, quelle aurait été la couverture médiatique ?

2) Lorsque le président constitutionnel Manuel Zelaya a été renversé par les militaires le 28 juin, l’écrasante majorité des médias a déclaré, en contradiction totale avec la vérité, que les militaires réagissaient à sa volonté de modifier la Constitution afin de rester au pouvoir. De nombreux medias ajoutaient qu’il suivait en cela l’exemple d’Hugo Chavez, présenté comme un dirigeant populiste autoritaire. En réalité, Manuel Zelaya proposait aux citoyens honduriens de se prononcer en faveur de l’organisation d’élections générales à une Constituante ce qui aurait représenté une réelle avancée démocratique dans ce pays. C’est ce qu’expliquent très bien Cécile Lamarque et Jérôme Duval, de retour d’une mission du CADTM au Honduras : « Le coup d’État est réalisé le jour où Manuel Zelaya organise une "consultation" à caractère non contraignant demandant aux Honduriens s’ils désiraient, ou non, la convocation d’une Assemblée nationale constituante, après les élections prévues le 29 novembre 2009. La question était : «  Êtes-vous d’accord qu’aux prochaines élections générales de 2009, une 4e urne soit installée pour permettre au peuple de se prononcer sur la convocation d’une assemblée nationale constituante ? OUI ou NON  ». Si cette consultation avait recueilli une majorité de "oui", le président aurait soumis un décret à l’approbation du Congrès pour que, le 29 novembre, les Honduriens se prononcent formellement sur la convocation d’une Constituante, dans une "quatrième urne" (les trois premières étant réservées respectivement à l’élection du président, des députés et des maires). Pour donner un semblant de légalité au coup, le Congrès et la Cour Suprême, associés au putsch, ont jugé ce scrutin illégal et ont fait valoir que le président Zelaya a « violé la Constitution » en prétendant la modifier « pour pouvoir briguer un nouveau mandat », à la manière d’un « apprenti dictateur chaviste ». Or, Manuel Zelaya ne cherchait pas, via cette consultation populaire, à reconduire son mandat présidentiel lors des prochaines élections puisque celles-ci se tiendront dans le cadre de l’actuelle Constitution qui prévoit des mandats présidentiels de quatre ans non renouvelables. Zelaya ne pouvait donc pas être candidat à sa propre succession. » |2|.

Alors que les mouvements populaires d’opposition aux putschistes ont multiplié grèves et manifestations en juillet, en août et septembre, les grands médias y ont à peine consacré quelques lignes. Les rares fois où les grands quotidiens consacrent un article de fond à la situation au Honduras, ils pratiquent une politique de dénigrement du président constitutionnel quand ils ne présentent pas carrément l’action des militaires sous la forme d’un coup militaire démocratique. C’est le cas du Wall Street Journal, qui dans son éditorial du 1er juillet 2009, écrivait que “le coup d’Etat militaire qui a eu lieu au Honduras le 28 juin dernier et qui a conduit à l’exil le président de ce pays d’Amérique centrale, Manuel Zelaya, est étrangement démocratique”. L’éditorial ajoute que “les autorités législatives et judiciaires resteront intactes” suite à l’action militaire. De son côté et de manière plus nuancée, le célèbre quotidien français Le Monde a participé à une campagne de dénigrement de Manuel Zelaya. En voici un exemple. Le 12 septembre 2009, Jean-Michel Caroit, son envoyé spécial au Honduras, cite les paroles d’une Française expatriée dans ce pays et ensuite accole le mensonge répété systématiquement sur les mauvaises intentions attribuées à Manuel Zelaya : « « Pour les Honduriens, le retour de Zelaya est inacceptable car il signifierait vingt ans de dictature à la [Hugo] Chavez », s’exclame Marianne Cadario, en référence au président du Venezuela qui – comme son allié Manuel Zelaya prétendait le faire (c’est moi qui souligne) – a modifié la Constitution pour pouvoir se faire réélire. Marianne Cadario, une Française installée depuis trente ans au Honduras, se dit « hyperchoquée par la réaction de la communauté internationale » qui a condamné le putsch.  ». |3| Le ton des journaux comme Le Monde et Libération a commencé à changer fin septembre après que les putschistes aient franchi plusieurs degrés supplémentaires dans la répression. Il est devenu assez critique à l’égard des putschistes. Ceci dit, le quotidien Libération mérite un prix pour l’utilisation des euphémismes. En effet, le 28 septembre 2009 (3 mois après le coup jour pour jour), il intitulait « Parfum de dictature »(c’est moi qui souligne) le paragraphe dans lequel il expliquait que le gouvernement putschiste avait décrété : « l’interdiction de «  toute réunion publique non autorisée  », arrestation de «  toute personne mettant en danger sa vie ou celle des autres  », «  évacuation  » des locaux occupés par les manifestants et brouillage de «  l’émission par n’importe quel média de programmes portant atteinte à la paix . » » |4|.

3) Début août 2009, l’intention des autorités vénézuéliennes de remettre en cause le droit d’émettre de 34 radios et télévisions a trouvé un écho important dans la presse internationale sur le thème : « c’est une preuve de plus de la quasi disparition du droit d’expression et de critique dans ce pays autoritaire ». La manière dont la grande presse traite la situation des médias au Venezuela est unilatéralement hostile aux autorités du pays, alors que 90% des médias vénézuéliens sont privés et soutiennent pour la plupart très activement des campagnes de désinformation. Globovision, une des principales chaînes de télévision privées, a participé activement au coup d’Etat militaire contre Chavez le 11 avril 2002. Un reportage réalisé par Globovision a fait le tour du monde le 11 avril 2002 et dans les jours qui suivirent le coup militaire. Il s’agit d’un montage qui falsifie la réalité. On y voit des civils présentés comme chavistes en train de tirer au pistolet à partir d’un pont dans une direction qui n’est pas identifiable. La voix off du journaliste de Globovision affirme que les chavistes sont en train d’abattre des manifestants d’opposition qui défilent pacifiquement dans la rue en dessous du pont. Le parquet vénézuélien a pu reconstituer le déroulement exact des faits à partir de l’analyse des reportages et des différentes photos prises par des particuliers le 11 avril 2002. En fait, les militants chavistes qui, selon Globovision, tiraient sur des manifestants, répondaient en réalité à des tirs provenant d’un blindé de la police métropolitaine alliée aux putschistes. Les manifestants d’opposition n’étaient plus dans la rue vers laquelle tiraient les chavistes au moment des faits. Plusieurs sources ont pu démontrer sans équivoque possible que les putschistes avaient programmé l’assassinat de manifestants anti-chavistes en attribuant ces crimes à Chavez pour justifier leur coup. Le 11 avril 2008, les téléspectateurs vénézuéliens ont pu revoir les images de la conférence de presse donnée par les militaires putschistes à un moment où aucun manifestant n’avait encore été tué. Or, ces militaires y affirmaient qu’ils prenaient le pouvoir suite aux assassinats réalisés par les chavistes, ce qui corrobore clairement la thèse selon laquelle ils avaient délibérément planifié ces assassinats pour justifier leur action séditieuse. 

Au cours des deux jours qui suivirent le coup d’Etat, les 12 et 13 avril 2002, alors que des centaines de milliers de personnes non armées encerclaient les casernes putschistes pour réclamer le retour d’Hugo Chavez emprisonné, Globovision n’a diffusé aucune image de ces protestations, elle expliquait que le calme était revenu dans le pays et que Hugo Chavez avait donné sa démission et était en route vers Cuba. Au cours des dernières heures du putsch, cette chaîne se contentait de diffuser des dessins animés et des émissions de variété |5| . Globovision s’est donc fait complice des putschistes à plusieurs moments clé ce qui a amené les associations de parents des victimes et les survivants blessés à exiger une condamnation de la chaîne. Ce à quoi le gouvernement chaviste s’est jusqu’ici refusé afin d’éviter que la campagne internationale menée contre lui ne monte subitement de plusieurs crans. Plusieurs associations de défense des droits humains sont d’ailleurs mécontentes de cette attitude passive de la part des autorités vénézuéliennes.


Plus récemment, Globovisión a manifesté sa sympathie pour les auteurs du coup d’Etat du 28 juin 2009 au Honduras. Les animateurs de plusieurs émissions de Globovision n’ont rien fait d’autre que de soutenir le coup d’Etat au Honduras depuis le début, accusant à leur tour le gouvernement Chavez d’ingérence pour avoir condamné le coup. A titre d’exemple, Guillermo Zuloaga, président de Globovision a affirmé le 17 juillet dernier que “le gouvernement de Micheletti est conforme à la Constitution, et nous voudrions, nous serions ravis qu’ici au Venezuela, la Constitution soit respectée de la même manière qu’elle l’est au Honduras”, marquant ainsi clairement son soutien au gouvernement putschiste.

Globovision n’a jamais fait l’objet d’une interdiction d’émettre. Quel est le grand média européen ou nord-américain qui mentionne ce fait ? Quel grand média européen ou nord-américain informe le public sur le fait que l’écrasante majorité des médias vénézuéliens sont contrôlés par le secteur privé ? Qu’ils représentent plus de 90% de l’audimat au niveau télévisuel. Qu’ils attaquent avec une violence extrême le gouvernement présenté comme une dictature et que certains d’entre eux bien qu’ayant participé activement au coup d’Etat contre un président constitutionnel, continuent à émettre librement depuis sept ans. Peut-on imaginer que le général de Gaulle n’aurait pas pris des mesures répressives à l’égard d’un journal, d’une radio ou d’une télévision qui aurait soutenu activement le coup de l’OAS au moment de la guerre d’Algérie ? Ne trouverait-on pas normal que le gouvernement espagnol prenne des mesures contre les médias qui auraient soutenu activement en temps réel le colonel Tejero lorsque, à la tête d’un groupe de militaires putschistes, il a menacé d’une arme les députés présents aux Cortes |6| ? Si Manuel Zelaya était restitué dans son mandat de président constitutionnel, lui et son gouvernement ne seraient-ils pas en droit de demander des comptes et de prendre des mesures contre les propriétaires des médias honduriens qui ont résolument appuyé les putschistes en déformant systématiquement la réalité et en ne couvrant pas les multiples violations des droits humains commises par les militaires ?

4) Les dépenses d’armement. A lire la presse européenne ou d’Amérique du Nord, on a nettement l’impression que le Venezuela est en train de faire d’importantes dépenses d’armement (notamment auprès de la Russie,) ce qui constitue une menace pour la paix dans la région. Or si l’on en croit la CIA |7|, la situation est toute différente, le budget militaire vénézuélien est le 6e de la région par ordre d’importance, il vient après ceux du Brésil, de l’Argentine, du Chili (beaucoup moins peuplé que le Venezuela et considéré comme un modèle), de la Colombie et du Mexique. En termes relatifs, ramené au produit intérieur brut de chaque pays, le budget militaire vénézuélien vient au 9e rang de l’Amérique latine ! A-t-on pu lire cette information dans la grande presse ? 

Par contre, on aura pu lire en août 2009 que la Suède demandait des comptes au Venezuela parce que le gouvernement colombien avait une fois de plus dénoncé son voisin comme fournisseur d’armes à la guérilla des FARC. La Suède avait en effet déclaré à la Colombie que des missiles SAAB retrouvés dans un camp des FARC avaient été fournis au Venezuela. Qui a pu lire la réponse détaillée donnée par Hugo Chavez ? Les missiles en question avaient été volés dans un port vénézuélien en 1995, quatre ans avant que Chavez n’accède à la présidence de la République…


Conclusion : Il faut prendre conscience de l’asymétrie avec laquelle les grands médias traitent des événements et garder dès lors un esprit hautement critique. Le discrédit porté contre Hugo Chavez, Rafael Correa et Evo Morales est tel qu’il prépare l’opinion publique internationale à la passivité au cas où une nouvelle tentative de coup d’Etat aurait lieu ou à l’approbation de mesures agressives prises par un gouvernement comme celui des Etats-Unis. Parmi les accusations insidieuses dénuées de fondement, on peut lire dans la presse espagnole (dont El Pais) que la campagne électorale de Rafael Correa a été financée par les FARC. On peut lire également que les autorités vénézuéliennes ne combattent pas le narcotrafic. Dans le cas du président hondurien Manuel Zelaya, le discrédit porté sur lui, vise à empêcher une mobilisation de l’opinion internationale en faveur de sa restitution à la tête de l’Etat.


Notes

|2| Cécile Lamarque et Jérome Duval, « Honduras : Pourquoi le coup d’État », 17 septembre 2009, www.cadtm.org/Honduras-Pourquoi-le-coup-d-Etat

|3| Jean-Michel Caroit, « Au Honduras, la campagne électorale s’ouvre dans un climat de haine », Le Monde, p. 8, samedi 12 septembre 2009.

|5| Il est intéressant de mentionner à ce propos l’initiative prise par le gouvernement d’Hugo Chavez le 11 avril 2008 - six ans après le coup d’Etat. Le gouvernement a utilisé son droit de passage sur les antennes privées et publiques pour faire rediffuser l’intégralité du reportage réalisé par les chaînes privées anti-chavistes (Globovision, RCTV...) de la séance officielle d’intronisation du président et du gouvernement putschiste dans un salon du palais présidentiel Miraflores. Le programme auquel tous les spectateurs vénézuéliens ont pu assister le 11 avril 2002, a donc été rediffusé sans aucune coupure et sans aucun commentaire critique de la part du gouvernement chaviste. Celui-ci a compté sur l’esprit critique de la société vénézuélienne pour qu’elle se fasse elle-même une opinion sur la complicité active des médias privés avec les responsables du coup parmi lesquels on a pu reconnaître les principales autorités de l’Eglise catholique, les chefs militaires factieux, le dirigeant du syndicat jaune CTV (Centrale des Travailleurs du Venezuela), les dirigeants d’entreprises privées et le président de la Fédération patronale vénézuélienne (Fedecamaras), Pedro Carmona. A noter que ce président qui a occupé le pouvoir pendant à peine environ 36 heures est aujourd’hui affublé communément du sobriquet "Pépin le Bref" (« Pepe el breve »).

|6| Le 23 février 1981, à la chambre haute du Parlement, a eu lieu une tentative de coup d’Etat organisée par des secteurs franquistes. Le colonel Tejero qui la dirigeait, a menacé d’une arme les députés et les a pris en otage au moment de l’investiture du nouveau président de gouvernement.


samedi 3 octobre 2009

Du grand vide avec une écharpe rouge

Merci au camarade C S P pour son post, que nous reproduisons ici.



Ébouriffante illustration d'un journalisme de révérence à la française qui ne sait plus où donner de la langue pour lécher frénétiquement tous les pouvoirs, tare intellectuelle ambulante dont le demi-cerveau n'en finit plus de clapoter contre ses parois crâniennes en produisant des floc-floc de liquide cépahalo-rachidien anémié à force de probables tares congénitales - qui font soupçonner un lourd héritage consanguin dans sa famille -, créature au physique aussi ingrat et débile que la purée froide idéologique qui s'échappe malencontreusement d'une bouche qu'on rêverait de coudre avec un fil de pêche et une très grosse aiguille, maigrichon hystérique dans la droite lignée des Eric Zemmour et autres réactionnaires crapoteux, tous incapables physiquement de dominer un teckel mais qui rêvent de cette Force et de ce Courage dont ils sont bien incapables tant ils sont lâches et couards - et donc, réactionnaires, puisque le réac est fondamentalement veule, c'est dans sa nature profonde -, encore plus ridicule de snobisme achevé que toute la rédaction de précieuses ridicules alcooliques qui s'épanchent dans Causeur, tout aussi demeuré et baveux qu'un Ivan Rioufol - même si ce dernier est atteint de rares pathologies mentales qui devraient charitablement lui valoir de massives injections de neuroleptiques directement dans la jugulaire, avant que de le jeter dans une jolie cellule dont il pourra bouffer les murs en hululant que les islamogauchistes lui grouillent sous la peau -, parfait produit de la pensée unique qui passe sont temps à verser toutes les larmes de son petit corps frêle sur l'immobilisme à la française et la nécessité de se serrer la ceinture avant d'aller déguster force canards aux pêches le petit doigt levé dans de dispendieux restaurant dont la carte coûte un SMIC, Christophe Barbier est journaliste et n'a t-on pas tout dit en le qualifiant ainsi ?

Élevé au lait tourné du néolibéralisme le plus frénétique, Christophe Barbier veut voir du privé partout. Bien, le privé. Mal, le public. Et comme tout de même le privé c'est un peu, un tout petit peu, plus cher que le public - vu que c'est, précisément, privé - il trépigne ici que tout doit être fait pour que l'éducation nationale - et ses profs gauchistes qui font chier à faire grève - disparaisse à tout jamais pour que les chères têtes blondes deviennent compétitives dans un privé qui ô joie continuera d'être joyeusement subventionné par les deniers publics...

Car le libéral n'en finit jamais de vomir à longs jets sur le public, mais n'oublie jamais après de lui réclamer des thunes, bien incapable qu'il est de se démerder tout seul avec la loi du Joli Marché Qui Rend Heureux Christophe Barbier. Le libéral a aussi une mémoire très sélective qui lui fait oublier que la situation de l'Éducation nationale - qu'il n'en finit jamais de déplorer - est due à trente années de réductions d'effectifs et de casse systématique du service public par les soins de ses écœurants semblables. Non, cela, le libéral n'en parlera jamais, pas plus qu'il ne mettra en exergue que l'une des raisons majeures de vendre le public au privé est une question idéologique : casser le bastion de la gauche pour fourrer de la merde dans les têtes des gamins qui ne sont pas encore assez détruits par la propagande des amis de Christophe barbier. Lesquels amis, à l'instar de, justement, Christophe Barbier, vont encore se répandre sur tous les plateaux-télé et tous les éditoriaux pour pleurer ouin ouin ouin leur terrible souffrance de vivre en Bolchévie totalitaire qui musèleflorentpagnesque liberté de penser (de noires conneries).

Si on était un peu méchant, on en rêverait presque de voir Christophe Barbier pendu par les pieds avec son écharpe pendant que des écoliers hilares lui jetteraient des cailloux pointus au visage sous l'oeil attendri de leur maîtresse. Mais heureusement, on est dans le camp du Bien, et c'est nous les plus Gentils. On se contentera donc de prendre Christophe Barbier pour ce qu'il est : un grand vide à l'intérieur qui produit du rien à l'extérieur. Même si ça, c'est déjà beaucoup, beaucoup trop.


jeudi 1 octobre 2009

Un journalisme de complaisance pour un 14 juillet de « concorde nationale »


La « fête nationale » a donné lieu cette année, peut-être plus encore que d’habitude, à une débauche d’émissions et de reportages en l’honneur du président de la république et des armées. 

Bien entendu, on comprend que la classe dirigeante préfère exhiber les engins de mort dont dispose l’armée plutôt que de s’interroger sur la responsabilité des marchands de canons français (groupes Dassault, Lagardère, etc.) dans les conflits militaires qui déchirent nombre de pays du Sud. On perçoit aussi, particulièrement en temps de crise, la nécessité de célébrer ceux qui nous gouvernent et l’armée au service des multinationales françaises, plutôt que la révolution française de 1789 et ce qu’elle représente : l’irruption des classes populaires sur la scène politique. L’imposture ira jusqu’à ces clips télévisés en l’honneur de l’armée, affirmant que « depuis toujours, la Défense est au service de la paix ». Les victimes de ces grandes boucheries qu’ont été les guerres mondiales et coloniales apprécieront. 

Plus profondément, qu’en est-il du rôle des grands médias – privés ou publics – dans cette campagne de désinformation ? En effet, ils n’ont pas simplement relayé sans broncher cette campagne ; ils lui ont donné un retentissement sans pareil. Cela débute sur le « service public » (en l’occurrence France 5), avec la diffusion lundi soir d’un documentaire effarant de complaisance sur le chef de l’Etat, « à visage découvert ». Outre des questions parfaitement inoffensives posées à Sarkozy lui-même, on verra notamment les auteurs du documentaire s’extasier devant la « dimension internationale » acquise par Sarkozy et solliciter des collaborateurs (Guaino, Guéant, Hortefeux, etc.) ou des politiciens amis (Blair, Merkel, El Assad, etc.) pour nous dire tout le bien qu’ils pensent du président français. 

Le 14 juillet, c’est TF1 qui obtient, comme il se doit, ses entrées à l’Elysée pour proposer aux téléspectateurs non seulement une séance de tourisme (dont le guide n’est autre que Claude Guéant, secrétaire de l’Elysée), mais surtout un entretien avec la femme du souverain : Carla Bruni. On apprendra ainsi que Sarkozy « est habité par une obsession, qui est de servir notre pays et d'aller au bout de ses promesses », et que « désormais l’armée nous protège de la guerre ». Il est vrai que le propriétaire de la chaîne, Martin Bouygues, n’est rien moins que le « meilleur ami » du président (d’après Sarkozy lui-même), son témoin de mariage et le parrain de son dernier enfant. 

Enfin, France 2 enfonce le clou pendant la soirée en proposant une émission consensuelle à l’extrême. Celle-ci vise essentiellement à embellir l’image de l’armée en invitant des stars du show-biz (Darmon, Dombasle, Lizarazu, etc.) à en faire la promotion. L’émission s’achève sur une interview présidentielle, servile jusqu’à la nausée, de Michel Drucker, durant laquelle le téléspectateur se voit informé de choses capitales : le président admire le cycliste Lance Armstrong et pratique lui-même le vélo à ses heures perdues. Concernant la crise, les emplois, les salaires, le logement, on repassera : le 14 juillet c’est l’heure de la « concorde nationale », et les grands médias sont là pour nous le rappeler. 

On ne peut que s’opposer à cette pratique d’un journalisme de cour, qui passe sous silence la crise et ses effets délétères pour la majorité de la population, réduit l’information au simple discours que les puissants portent sur eux-mêmes, et ramène la politique aux banalités qui émaillent le quotidien des politiciens professionnels (et de leurs compagnes…). Plus que jamais, le droit d’informer et de s’informer correctement – dont la condition tient dans un véritable pluralisme et une indépendance réelle de la presse (vis-à-vis du patronat et du gouvernement) – est une Bastille à prendre. 

25 juillet 2009. 

mercredi 30 septembre 2009

La riposte des salariés de RFI contre l’Etat licencieur



Les travailleurs de RFI sont entrés mardi dans leur neuvième semaine de grève. Ils luttent non seulement contre un plan de restructuration qui prévoit 206 licenciements (sur le millier de salariés que compte RFI) mais surtout contre le démantèlement à brève échéance de leur station – avec notamment la fermeture de six rédactions de langues étrangères. Il s’agit du mouvement le plus long dans l’audiovisuel depuis 1968, ce qui suffit à marquer son caractère historique. 

La combativité  des salariés de RFI n’a d’égale que l’arrogance d’une direction qui s’appuie sur des arguments financiers dont l’intersyndicale FO, SNJ, SNJ-CGT et SNRT-CGT de RFI (majoritaire au comité d’entreprise) a montré qu’ils ne valaient rien – ce qu’un cabinet d’experts-comptables, missionné par le CE, a d’ailleurs confirmé. 

Malgré une grève qui bloque jusqu’à 85% de l’antenne, la direction refuse toujours de négocier sur les revendications portées par le mouvement de grève. Cette intransigeance va jusqu’au refus de la nomination d’un médiateur, réclamée depuis 6 semaines par les salariés de RFI. Les travailleurs de RFI ont pourtant raison de rappeler qu’en l’espèce c’est l’Etat qui licencie, ce même Etat qui donne des milliards aux banques et aux multinationales, et prétend que les caisses sont vides dès lors qu’il s’agit des services publics, des emplois et des salaires. 

Ce plan de licenciements s’inscrit dans l’ensemble des attaques dont est victime le service public d’information (et plus largement l’ensemble des services publics, de la Poste à la santé en passant par l’Education nationale). Rappelons simplement que France Télévision vient d’annoncer 900 licenciements étalés sur 3 ans, que l’UMP fait planer depuis près de 2 ans la menace d’une privatisation de l’Agence France-Presse (AFP), et que le président de la République a – depuis mars 2009 – la possibilité de nommer directement le président de France Télévision et de Radio France. 

Enfin, cette attaque en règle contre RFI a beaucoup à voir avec la création de la holding Audiovisuel Extérieur de la France (AEF), dans le cadre de la loi de « modernisation de l’audiovisuel public », dont RFI est l’une des principales filiales avec France 24 et TV5 Monde. Christine Ockrent a été nommée directrice générale de l’AEF en février 2009, la tutelle étant assurée par son mari, Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères. Les syndicats de journalistes et les salariés de RFI avaient protesté à juste titre contre un mélange des genres qui en dit long sur la volonté de la classe dirigeante de renforcer son contrôle sur les médias. 

Le NPA s’élève contre toute ingérence et toute reprise en main de RFI par l’Etat français, ce que l’ampleur du traitement accordé à la mort d’Omar Bongo laisse craindre. Comme l’a noté l’intersyndicale : « après avoir refusé pendant des décennies d’être la voix de la France, acceptons-nous d’être aujourd’hui la voix de la Françafrique ? Qu’avons-nous enterré ce mardi ? Omar Bongo ou l’ambition d’une radio généraliste et universaliste qui parle au monde de la France et du monde ? ». 

Outre une manifestation le mardi 16 juin en direction de l’Elysée (avec d’ailleurs d’autres salariés de l’audiovisuel public), les travailleurs de RFI ont créé, le mercredi 24 juin de 12h à 19h, « la 1ère radio de salariés en lutte », une radio « éphémère et autonome » donnant la parole aux grévistes. Cette résistance exemplaire est une très bonne nouvelle et le NPA les soutient pleinement dans leur lutte. 

23 juin 2009. 

Audiovisuel : Radio France aux ordres ?



Depuis la loi promulguée en mars 2009, Sarkozy nomme le président de Radio France. Son choix s’est porté sur Jean-Luc Hees, qui s’est empressé de promouvoir son vieux complice Philippe Val. Portraits croisés de deux patrons de presse.  

De saltimbanque libertaire à patron de presse, la trajectoire de Philippe Val est malheureusement exemplaire d'une gauche ralliée au social-libéralisme et passée, pour citer Guy Hocquenghem, "du col Mao au Rotary". Après des années d’éditos haineux – dans Charlie-Hebdo ou sur France Inter – contre la gauche radicale et tout ce qui s’apparente à une critique de l’ordre existant, qui se souvient que Val dénonçait jadis la gauche de gouvernement dans ses chansons, qu’il fut membre fondateur d’Attac et même un défenseur de Bourdieu et Halimi dans leurs critiques contre les médias dominants ? Devenu entre-temps actionnaire principal (avec Cabu) de ce journal autrefois satyrique, et ayant touché à ce titre 330 000 Euros en 2007, il s’était rendu cette même année à l’université d’été du Medef pour parler « liberté d’expression ». Le grand patronat ne pouvait en effet qu’être admiratif devant un patron de presse parvenu à pousser vers la sortie, réduire au quasi-silence ou effacer de la photo, les figures historiques d’un journal autrefois satyrique (Siné, Cavanna, Choron), ainsi que les jeunes journalistes ayant tenté d’en faire vivre l’esprit (Olivier Cyran, Mona Chollet, etc.). 

Jean-Luc Hees a quant à lui commencé sa carrière à l’ORTF, puis fut correspondant à Washington pour France Inter. C’est en 1999 qu’il est nommé  directeur de la station. En 2001, il affronte une des plus longues grèves de l’histoire de France Inter : dix-huit jours, pour réclamer des hausses de salaire. Mais sa présidence est aussi marquée par le débarquement, en juillet 2003, du Dr Martin Winckler, chroniqueur matinal qui s’attaquait aux laboratoires pharmaceutiques. Le fait que Jean-Luc Hees ait animé six mois auparavant le colloque annuel du 3ème groupe pharmaceutique mondial (un « ménage » dans le langage journalistique, condamné par la « Charte du journaliste »), n’était évidemment pour rien dans cette éviction. C’est aussi le patron de France Inter qui engage Val comme chroniqueur au moment où l’ancien libertaire veut sortir du bois et accéder au titre – tant envié par cet admirateur de BHL – de philosophe médiatique. Quelques citations de Spinoza plus tard, l’ascenseur sera renvoyé en 2008 quand Val engage Hees comme chroniqueur dans Charlie Hebdo. 

On ne s’étonnera donc pas qu’en mai 2009, Sarkozy nomme Hees à la présidence de Radio France après que ce dernier, auditionné par le CSA, ait affirmé à propos du slogan de France Inter (1) : « Pas sûr que les auditeurs d’Inter recherchent l’impertinence ». Aucune raison non plus d’être surpris que Val soit pressenti pour prendre la tête de France Inter, tant connivences et complaisances sont la règle dans le monde médiatique. Ces deux journalistes ont toujours voulu diriger et commander en véritables patrons. A cet égard, l’intrusion de Hees dans le studio de France Inter le 15 mai dernier pour répondre à Plenel (et à ses critiques sur la nomination directe par Sarkozy du président de Radio France) est un bon exemple de cette vision patronale du journalisme, le patron de presse devenant à la fois recruteur, manager et responsable éditorial du journal, avec à ses ordres ceux que François Ruffin appelle les « petits soldats du journalisme ». 


(1) "La différence, c'est l'impertinence". 

2 juin 2009. 

Olivier Besancenot et les salariés de Célanèse : quand les médias désinforment



Olivier Besancenot est venu mardi 19 mai apporter son soutien et celui du NPA aux ouvriers de Célanèse, ayant fait le voyage du Béarn jusqu’à Paris pour manifester devant l’Assemblée nationale contre le plan de licenciements dont ils sont l’objet.


Invité par la CGT et bien accueilli par les salariés comme le montre cette vidéo (mais les médias dominants n’ont bien sûr pas repris ces images), il s’est vu « alpaguer » par un individu, que l’ensemble des journalistes ayant fait de cette « altercation » un « événement médiatique » ont présenté comme un ouvrier de Célanèse. Il s’agissait en fait, on le sait maintenant, d’un militant socialiste qui n’est pas salarié de l’entreprise. Bien évidemment, cette « affaire » a essentiellement un caractère politique. A la traîne dans les sondages d’opinion (qui leur importent bien davantage que de définir une politique juste pour des millions de travailleurs), le PS tente – par une manœuvre pathétique – de délégitimer ce qu’il semble considérer comme un adversaire important : le NPA. Il est vrai qu’il y a bien peu à attendre d’un parti qui a témoigné de son « utilité » au Parlement européen en votant avec la droite dans 97% des cas en 2008. 

Mais ce qui doit également nous intéresser dans cette « affaire », c’est l’extrême célérité avec laquelle les grands médias ont relayé cette combine pathétique, et la manière dont ils ont présenté et relaté les faits. De France 2 à iTélé en passant par Le Figaro (dont on n’attendait pas autre chose), tous ces médias présentent – sans vérification, par exemple auprès de l’intersyndicale ou des salariés eux-mêmes – le militant socialiste venu accompagné d’une conseillère municipale PS de Pau comme un ouvrier de Célanèse. Bien entendu, aucun de ces médias n’a pris la peine d’informer ses téléspectateurs ou ses lecteurs – le lendemain, lorsqu’est paru le communiqué de la section CGT de l’usine – qu’il ne s’agissait pas d’un salarié en colère contre Olivier Besancenot mais bien d’un militant PS en désaccord avec les choix politiques du NPA. Comment se fait-il que les médias dominants, qui disposent d’un pouvoir de consécration et de stigmatisation dont ils aiment à croire qu’il est infini, ne sont jamais contraints de répondre de leurs prises de position, notamment lorsque leur traitement de l’actualité révèle des erreurs – pour ne pas dire des mensonges – aussi manifestes ? 

Un autre « enseignement » de cette histoire doit être relevé à l’attention de ceux, notamment du côté du PS ou du PCF, qui font d’Olivier Besancenot le « jouet de Sarkozy » ou le « chouchou » des médias. Cela fait des mois que ces derniers, par la voix de leurs intervieweurs et éditorialistes « vedettes », ont pris pour cible le NPA. Souvenons-nous d’Arlette Chabot enjoignant Olivier Besancenot, lors d’une émission sur la crise, de s’excuser auprès de Mme Besse pour les actes commis par Action directe. Rappelons-nous comment Jean-Michel Apathie (sur RTL) et Thierry Guerrier (sur France 5) ont très récemment accusé le même Besancenot de « violence » parce que celui-ci avait traité de « chiens » des patrons licencieurs qui ont menti à leurs salariés depuis des mois (ceux de Caterpillar en l’occurrence). Gardons enfin en mémoire la campagne médiatico-politique qui a pris pour cible l’extrême-gauche, aussi bien LO que le NPA d’ailleurs, les accusant de manipuler en sous-main les travailleurs qui se révoltent contre le sort qui leur est fait (comme si ces derniers étaient incapables de s’organiser eux-mêmes). Comme on dit : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ». 


22 mai 2009. 

mardi 29 septembre 2009

Médias policiers, police médiatique



Les conflits sociaux actuels, notamment les occupations d'entreprises et les séquestrations, donnent à voir la prise de parti des grands médias en faveur de la classe dominante, laissant notamment entendre que les travailleurs sont incapables de s'organiser eux-mêmes. 

Ainsi, dans Le Figaro, un article du 23 avril s’interroge : «Qui se cache derrière les meneurs des grèves et les salariés qui séquestrent les patrons ? […] Sont-ils instrumentalisés pour engendrer le chaos ? Nombre d'observateurs [lesquels ?] estiment que ces débordements […] portent la signature de l'extrême gauche.» Citant des témoins au-dessus de tout soupçon (ex-RG, commissaires de police, conseiller du Medef guadeloupéen), on apprend notamment qu’« il est difficile d'apporter la preuve irréfutable que des organisations subversives sont à l'origine du durcissement des mouvements engagés. Mais ce qui est certain, c'est que des agitateurs de tout poil tentent de profiter du climat et s'activent en coulisse, dans les milieux de la gauche trotskyste notamment ».

Mais, contrairement à une idée répandue, cette vision policière ne s'arrête pas aux journaux ouvertement du côté de la bourgeoisie. Dans une émission subtilement intitulée « Patrons, un métier à risque » et diffusée sur le service public (« Ripostes », France 5, le 26 avril), Serge Moati s'adresse à un patron imprimeur pour lui demander : « Est-ce que vous pensez qu'il y a quelqu'un derrière [les séquestrations] ? Est-ce qu'il y a de la manipulation ? Oui ou non ? » Le dirigeant évoquant la LCR et affirmant que ces « manipulateurs livrent des palettes de bière aux employés […] pour alimenter l'insurrection », Moati s'alarme : « Vous avez vu des trotskystes ? […] J'vous crois, mais en même temps c'est énorme c'que vous dites. »

De même sur iTélé, le 22 avril, Nicolas Demorand ouvre un débat sur la « radicalisation des conflits sociaux » par un interrogatoire policier d'Arlette Laguiller : « Rumeurs ou informations, j'vous demande justement de les confirmer ou de les infirmer, qui voudraient qu'à Continental le délégué CGT soit membre également de LO ? Est-ce vrai, est-ce faux ? » Puis : « Juste d'un mot, Arlette Laguiller, pour établir les faits, est-ce que dès lors que vous avez des sympathisants ou des militants de LO sur place, est-ce qu'il y a des consignes de LO pour orienter le mouvement de telle ou telle manière ? Est-ce que LO a dit: "la préfecture est une cible symbolique'' ? »

Plutôt que de s'interroger sur les racines et les raisons de la colère sociale qui monte dans le pays, les grands médias préfèrent ainsi chercher du côté de l'extrême gauche d'obscurs manipulateurs, responsables de la multiplication de ce qu'ils appellent des « actions violentes ». Les « valeurs » de neutralité et d'objectivité, derrière lesquelles s'abrite le journalisme officiel, ne constituent pas seulement un vœu pieux. Il s'agit bel et bien d'une esbroufe idéologique permettant de faire oublier la fonction conservatrice que remplissent les médias dans la société capitaliste.

6 mai 2009.  

Médias et Guadeloupe : une vérité bien ordonnée


Comment le journal télévisé de France 2 manipule son public à propos du conflit guadeloupéen.  

Tout conflit social est un rapport de forces et, en tant que tel, la place du soutien ou du rejet par l'opinion y est prépondérante. Et qui semble mieux à même de façonner cette opinion que les médias de masse et, plus particulièrement, le journal télévisé ? Regardons donc de plus près comment ceux de France 2, réputés plus neutres, ont traité la récente grève générale en Guadeloupe. 

La toute première semaine du conflit (20 janvier-1er février) a donné lieu, au vingt-heures, à 50 secondes de sujet en tout et pour tout, morcelées sur trois jours. Comparé au temps consacré à l'élection d'Obama ou à la tempête dans le Sud la même semaine… Malgré une équipe envoyée sur place, le 1er février, du 4 au 8, on ne comptera que 20 secondes de sujet, et ainsi de suite. La première étape est donc celle de l'« invisibilisation » médiatique : ne pas parler du mouvement pour ne pas le faire connaître, et surtout sas ses revendications. 

Et, quand on en parle, on en dit quoi ? Qu'il y a une pénurie d'essence et  qu'on peut prévoir des effets « dramatiques » pour l'industrie touristique. Les sujets montrent principalement des files d'attente aux stations-service. C'est seulement le 10, puis les 14 et 17 février, que sont évoquées les conditions d'existence dans l'île. Mais qui cause ces désagréments ? Ce sont des manifestants « intimidants », qui obligent les commerçants à fermer boutique. La mort de Jacques Bino, le 17 février, est l'occasion idéale de fustiger le groupe anonyme « des jeunes » qui se livrerait à une véritable « guérilla urbaine » (rien moins) et au « pillage ». Les grévistes seraient donc essentiellement des gens violents… Jamais on ne dira que le chômage touche 50% des 15-25 ans. 

Mais il faut bien que quelque chose explique la durée et la popularité du mouvement. France 2 met alors en avant le contexte historique de l'île. L'anniversaire du massacre du 14 février 1952 est l'occasion de parler des « vieilles rancœurs » contre la métropole. Le terme reviendra plusieurs fois, sans jamais plus d'explications. Le 10 février, la parole est donnée à un Béké1, qui s'insurge contre la survivance de ce terme, selon lui raciste. Finalement, le conflit n'est donc pas causé par une situation sociale désastreuse, dont on n'a pas parlé, et encore moins par des formes de surexploitation capitaliste, mais bien par de vieux relents anti-Métropolitains et anti-Blancs. Là encore, les causes sont travesties. 

A chaque nouvelle étape, un biais évite de parler des revendications et des causes réelles du conflit. En parallèle, tout est fait pour le décrédibiliser et souligner sa spécificité. Pourquoi un tel axe ? Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, donne une partie de la réponse : « Ce qui se justifie à un endroit et pour un contexte particulier, c'est pas la même chose obligatoirement en métropole. » On ne sait jamais, cela pourrait donner des idées2 

1. Nom donné aux descendants de propriétaires blancs d’esclaves. 

2 A lire: Ugo Palheta et Julien Sergère : www.acrimed.org/article3088.html 

9 avril 2009.